Lumières de Roland Barthes est une invitation à découvrir, à travers l’art contemporain et la collection du Frac Aquitaine, la postérité théorique et esthétique d’un des penseurs les plus importants du XXe siècle.
Roland Barthes entretenait un rapport privilégié avec l’Aquitaine où il se rendait régulièrement en vacances, à Urt au Pays basque. C’est à cette période que Barthes lisait, s’adonnait à un quotidien rythmé par l’écriture, mais aussi par la pratique du dessin, de la peinture. Il écrivit là, sous ce qu’il appelait « la grande lumière du Sud- Ouest », une partie de La Chambre claire, hommage à sa mère disparue. Pendant ces « vacances de l’écrivain », la fabrique de la pensée continue, prend une autre forme, inspirée par les activités et les paysages d’été, au premier chef, la plage. Lieu d’évasion et de loisir, la plage apparaît dans la biographie de Barthes comme le lieu de retrouvailles en famille, « sans familialisme ». Mais elle est aussi un espace qui rend visible le corps de l’écrivain rappelant à quel point la dimension physique et charnelle de la création est essentielle chez Barthes.
Au centre d’art image/imatge se déploie le volet le plus personnel des expositions Lumières de Roland Barthes. Intitulé Lunettes noires et chambre claire en référence à un des Fragments d’un discours amoureux (1977) et à La Chambre claire (1980), la sélection d’œuvres de la collection du Frac Aquitaine met en scène le retour vers la maison familiale, chaque été, mais aussi vers les lieux de l’enfance et des souvenirs. Visible de l’extérieur, l’œuvre Forgerie de Vincent Meessen cite Barthes et invite le spectateur à considérer que « Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman » (Roland Barthes par Roland Barthes, 1975). En clair- obscur, jouant sur l’ombre et la lumière, vie intime et vie publique, l’espace est divisé en deux parties. L’œuvre de Claude Lévêque, Le Cerveau, invite à entrer l’intimité de la création, des souvenirs et de la rêverie et fait un clin d’œil au dessin de Barthes, Le Cerveau, visible simultanément au Frac Aquitaine.
L’entrée de l’exposition se fait du côté de la vie publique avec l’œuvre de Robert Barry, Returning, une autobiographie elliptique en texte et image par un autre « R. B.». Cette face claire est ponctuée de promenades vespérales, lectures, repas de famille et remémorations de souvenirs communs, avec ses taches aveugles : les œuvres de Christian Boltanski, Dove Allouche, David Coste, Hamish Fulton et Laurent Kropf plantent un décor connu d’où surgissent les liens singuliers qu’un sujet peut entretenir avec sa propre histoire, ses lieux familiers et avec certains vides dans l’existence.
De l’autre côté, la face obscure fait pénétrer le spectateur dans une vie intime et fantasmée, hautement fictionnelle, celle de la rêverie et du désir homoérotique chez Barthes. Les lunettes noires sont celles que l’amoureux porte pour cacher ses émotions, c’est donc dans cette semi-obscurité que se situent les œuvres de Robert Mapplethorpe, représentant de l’underground gay new-yorkais que Barthes avait déclaré son photographe préféré, les académies de Duane Michals, les portraits de Pierre Molinier ou Pierre & Gilles ou encore les gigolos de Pierre Keller. Cette face obscure de la vie intime se ferme avec le tableau vivant d’Ulla von Brandenburg, Reiter, mise en scène sado-masochiste d’un prince allemand qui n’est pas sans rappeler les frasques photographiques du baron Wilhelm von Gloeden sur lequel Barthes médita. À la jonction de ces espaces tournants, un double autoportrait d’Urs Lüthi et les écritures de lumière illisibles des Leisgen marquent l’impossibilité de saisir un être sous un jour complet. Magali Nachtergael
Les expositions L’Écrivain en vacances : sur la plage et My Last Life au Frac Aquitaine consacrées au Centenaire de la naissance de Roland Barthes - en Aquitaine se tiennent simultanément au Frac Aquitaine.