Sous une apparente légèreté, marquées par des mises en scène minutieuses, des cadrages qui tiennent du cinéma, des couleurs et des lumières d’une troublante sensualité, les photographies de Delphine Chanet cultivent l’ambivalence : celle de ses personnages, enfants ou jeunes adultes, héroïques et fragiles, conquérants et instables ; et celle de l’image qui ne nous dit jamais tout.
Si Delphine Chanet s’attache depuis le début de sa pratique à capter la personnalité de ses jeunes modèles, c’est en s’éloignant de l’analyse documentaire ou sociologique pour lui préférer une approche fictionnelle ; et lorsque le réel est observé c’est aussitôt pour le sublimer. Ces images appartiennent à une temporalité suspendue, ce sont des amorces de scénario, des instants capturés, il appartiendra au spectateur d’en dérouler le fil.
Photographiés seuls ou en groupe, en extérieur ou en studio, regards perdus vers l’horizon, comme projetés en eux-mêmes, ou partis à la conquête de l’espace, les corps débordants de vitalité et d’insolence, frimeurs, libres, ces jeunes filles et ces jeunes garçons sont beaux, étranges aussi et parfois inquiétants. There’s no place like home propose un cheminement dans un monde presque irréel, un monde fabriqué, lisse, aux tonalités pastelles, aux lumières claires et diffuses, où les décors viendraient traduire un certain état de l’être et de l’âme… ici ou là des images plus énigmatiques ou plus sombres viennent en contrepoint d’une vision idéalisée. Alors, derrière ces images joyeuses et esthétisantes pointe une forme de tension que l’on ne sait traduire : est-ce cet érotisme latent que l’on perçoit ? Est-ce la possibilité d’un renversement que l’on entrevoit ? Est-ce encore cette mélancolie que l’on peut lire sur certains visages ou dans certaines postures ? C’est à cet univers contrasté, instable, contradictoire que l’artiste s’intéresse : entre légèreté, désinvolture, provocation retenue d’un côté et basculement, fragilité, enfermement de l’autre. À travers cette photographie qui assume et joue avec les codes de la séduction, il est question de palper toute la complexité d’un âge, d’une période charnière de la vie mais aussi d’embarquer le spectateur dans une histoire qui mêle ses propres projections à celles, tout aussi intimes, de l’artiste.
En lien avec l’exposition There’s no place like home, la médiathèque Jean-Louis-Curtis d’Orthez présente un ensemble de six photographies de Delphine Chanet sur le parvis de la médiathèque du 13 avril au 21 juin 2017.
Delphine Chanet est née en 1969, elle vit et travaille à Paris. Diplômée de l’école d’arts graphiques Penninghen (Paris), elle a par ailleurs étudié le cinéma à l’université de New York. Après un parcours de directrice artistique, elle commence à travailler en tant que photographe, plus particulièrement dans la mode enfantine. Dans sa pratique, elle fait s’entremêler la mode et l’art en imaginant des frontières poreuses. Son travail a été présenté aux rencontres de la photographie d’Arles en 2015 dans le cadre du prix découverte.